La pleine lune de juillet, appelée Rằm tháng Bảy, est l’un des temps forts du calendrier lunaire vietnamien. Elle mélange deux traditions: Vu Lan, la fête de la piété filiale issue du bouddhisme, et le "mois des esprits affamés" durant lequel on prépare des offrandes pour les âmes errantes. Dans les foyers, on dresse des plateaux de fruits, des plats végétariens, de l’encens, des fleurs et, selon les régions, du papier votif à brûler.
Ce qui change, c’est la manière de s’organiser. Là où les familles passaient la veille au marché, beaucoup passent maintenant par la commande en ligne. Sur les applis de livraison, Facebook, Zalo ou TikTok Shop, des dizaines de commerçants proposent des "mâm cúng" (plateaux d’offrandes) prêts à l’emploi, livrés tôt le matin ou en fin d’après-midi, pile dans les créneaux où la cérémonie se tient habituellement.
Concrètement, on choisit un panier déjà calibré (basique, standard ou premium), on ajoute des options (bougies, papier votif, fleurs de lotus), on fixe l’heure et on paye par portefeuille électronique (MoMo, ZaloPay) ou via VietQR. Les commandes ouvrent souvent une à deux semaines avant la date, avec un arrêt des prises de commande 24 à 48 heures avant le pic, pour laisser le temps de préparer en cuisine et de planifier les livreurs.
Le cœur de l’offre reste le repas végétarien, marqueur culturel du jour. Les menus incluent des classiques comme le tofu farci, des légumes sautés, des rouleaux aux champignons, une soupe légère, du riz gluant, parfois des desserts à base de haricots mungo. Les versions premium intègrent fruits importés, fleurs rares et mise en scène plus travaillée du plateau, pour ceux qui veulent honorer la tradition sans passer des heures aux fourneaux.
Les prix s’étagent en fonction du contenu et de la présentation. Dans les grandes villes, on trouve des paniers d’entrée de gamme autour de quelques centaines de milliers de dôngs, des formules familiales plus fournies au-dessus, et des ensembles cérémoniels qui montent quand les fruits sont rares ou la décoration élaborée. Les suppléments fréquents: lotus ou chrysanthèmes, bougies parfumées, encens long, papier votif en pochettes thématiques, et parfois la location d’un plateau avec cloche de présentation.
Le jour J, la logistique se joue à la minute. Les créneaux plébiscités vont de 5h à 11h pour les offrandes du matin, puis 15h à 18h pour l’après-midi. Les vendeurs organisent des lignes de préparation en amont, pré-assemblent les paniers de fruits, sécurisent le froid pour les plats sensibles et alignent des livreurs supplémentaires. Les applis affichent des fenêtres de livraison plus larges pour absorber les pointes et préviennent des retards possibles en cas d’averse — fréquentes en saison des pluies.
Cette bascule vers le numérique n’efface pas la tradition, elle la recompose. Beaucoup de familles utilisent les paniers prêts à l’emploi pour gagner du temps, mais ajoutent un détail fait maison: un gâteau familial, une recette de grand-mère, une guirolle d’encens spécifique à leur lignée. D’autres conservent les courses au marché pour les fruits et confient la cuisine végétarienne à un traiteur en ligne. Résultat: la cérémonie se tient à l’heure, sans stress, même les jours de semaine chargés.
Le commerce local, lui, a pris le train. Des traiteurs de quartier, des stands de marché, des boutiques de fleurs ont mis en place des catalogues sur Zalo et Facebook avec photos, codes promotionnels et paiements QR. Certains publient des vidéos courtes pour montrer les étapes de préparation et rassurer sur l’hygiène. Le bouche-à-oreille passe désormais par les groupes de quartier et les avis, ce qui profite aux artisans réguliers capables de livrer propre et à l’heure.
Les plateformes, de leur côté, orchestrent des campagnes saisonnières. On voit apparaître des bannières dédiées "Rằm tháng Bảy", des mots-clés recommandés, des réductions en heures creuses et des frais de service plafonnés pour attirer les commandes anticipées. Les vendeurs qui participent reçoivent une mise en avant, mais doivent respecter des quotas de disponibilité et des standards de préparation. C’est une façon de lisser la demande sur la journée, un enjeu majeur quand tout se joue en quelques heures.
La diaspora suit la même voie. Des enfants vivant à l’étranger commandent en ligne pour leurs parents restés au pays: le panier arrive à domicile avec une carte, parfois une photo envoyée en retour pour confirmer la livraison. Certaines officines proposent même un service clé en main auprès d’une pagode: dépôt d’offrandes au nom de la famille et retour de photos après la cérémonie. Pour des familles éclatées entre fuseaux horaires, c’est une manière de rester liées à la date sans décalage insurmontable.
Autre évolution: l’option "verte". La question de la fumée et des déchets liés au papier votif revient chaque année. Plusieurs vendeurs offrent des paniers réduisant ou remplaçant le papier par des dons symboliques (riz, lait, couvertures à remettre plus tard à une association), ou misant sur des emballages en feuilles de bananier et des plateaux réutilisables. Les temples urbains encouragent parfois une sobriété dans la combustion. En ligne, ces offres sont identifiées comme "eco" ou "minimalistes", et trouvent leur public.
La montée en puissance des commandes s’accompagne d’un besoin de fiabilité. Les clients regardent désormais la chaîne du froid pour les plats prêts à consommer, les étiquettes d’allergènes, les précisions entre végétarien et végétalien, et la clarté des photos. Les vendeurs qui décrivent précisément contenus, poids, dimensions du plateau, ainsi que les délais, ont moins de litiges. En cas d’averse, un emballage doublé et une fixation anti-basculement pour les paniers de fruits évitent les mauvaises surprises dans la circulation dense.
Pour les livreurs, la journée ressemble à un 31 décembre: courses multiples, destinations proches mais horaires serrés, pluie possible. Les plateformes prévoient des incentives pour les créneaux matinaux, des regroupements de commandes par quartier et des points relais temporaires, notamment près des marchés de gros de fruits et des pagodes. Les clients qui acceptent une fenêtre plus large, plutôt qu’une heure exacte, sont livrés plus vite. Et plus c’est anticipé, plus c’est simple: les paniers commandés la veille partent en priorité.
Les commerçants apprennent à gérer l’effet pic. Ils limitent la personnalisation le jour J (moins de demandes spéciales, plus d’options prédéfinies), verrouillent l’inventaire de fruits sensibles aux prix volatils et préparent des remplacements acceptables en cas de rupture, annoncés clairement à l’avance. Une charte simple — pas de durian dans les immeubles, par exemple — évite des frictions avec les voisins et l’ascenseur. Les messages automatiques de suivi, avec heure d’arrivée estimée et contact du livreur, rassurent tout le monde.
Le numérique n’efface pas la dimension familiale de Vu Lan. Il la rend plus accessible aux actifs et à ceux qui vivent loin. Beaucoup racontent que l’essentiel reste l’intention: allumer l’encens, appeler ses parents, prendre quelques minutes de silence. Le plateau commandé n’est pas un renoncement; c’est un raccourci logistique qui permet de garder le cœur du geste. On le voit au retour de certaines pratiques: des familles demandent au vendeur d’imprimer le nom des ancêtres sur une petite carte, d’ajouter une fleur précise, ou de déposer l’offrande à une heure liée à la mémoire d’un proche.
Cette dynamique déborde largement la seule pleine lune de juillet. Les 1ers et 15es jours de chaque mois lunaire génèrent des mini-pics d’achats d’offrandes, avec les mêmes recettes logistiques en plus petit: kits standardisés, créneaux matinaux, livraison groupée par quartier. Les vendeurs qui réussissent transforment ce rendez-vous en revenu récurrent, avec un carnet d’adresses fidélisé et des rappels automatiques quelques jours avant chaque date.
Reste un équilibre à trouver. Les prix peuvent s’envoler si la météo perturbe la cueillette des fruits ou si la demande explose dans le dernier kilomètre. Les plateformes tentent de plafonner certains frais les jours sensibles, mais la réalité du trafic et de la pluie joue toujours. Les consommateurs, eux, sont plus exigeants sur l’honnêteté des photos et le respect des quantités. À la clé pour le vendeur sérieux: un bouche-à-oreille qui vaut plus qu’une promotion, surtout autour des pagodes et des copropriétés où tout le monde observe ce que l’on dépose.
La fête de la pleine lune de juillet montre, une fois de plus, comment une tradition peut s’adapter sans se renier. Le rituel tient en quelques gestes simples, le numérique s’occupe du reste. Et au petit matin, dans les rues encore mouillées de pluie, les scooters chargés de plateaux passent de maison en maison. À l’intérieur, on allume l’encens, on pose les fruits et, quelques minutes plus tard, on passe à table avec un repas végétarien qui, cette année encore, aura trouvé sa place… via une application.
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